Interview de M. Richard Cazenave, député de la 1re Circonscription de l’Isère
Le 22 novembre 2006, un communiqué de presse nous informait que l’assemblée nationale allait doter les députés de postes informatique entièrement libre (système GNU/Linux et logiciels libres).
Monsieur le Député Richard Cazenave a été désigné pour épauler l’administration de l’Assemblée nationale dans l’ouverture de ses systèmes d’information aux logiciels libres.
Ses positions en faveur du logiciel libre sont connues, et M. le Député a participé à un débat-forum sur Framasoft à l’occasion de la loi DADVSI.
L’occassion était trop belle pour la laisser passer. Veni, Vidi, Libri a donc été interroger Richard Cazenave afin de recueillir ses commentaires vis à vis des logiciels libres en général et du passage à un système informatique entièrement libre pour nos concitoyens siégeant à l’assemblée nationale.
Veni Vidi Libri : À quelle occasion avez-vous découvert les logiciels libres ?
Richard Cazenave : C’était en 2003, au moment du débat sur les brevets. À l’époque, mon fils aîné, développeur (de logiciels libres entre autres), m’avait fait part de son inquiétude quant à l’instauration des brevets logiciels au niveau européen. Les députés européens ont heureusement mis en échec cette directive, mais j’aurais été au premier rang si la question était venue devant l’Assemblée nationale.
VVL : D’après vous, quels sont les enjeux du logiciel libre ?
R.C. : Il s’agit pour moi d’un bien commun ; c’est grâce à tous et pour tous que le logiciel libre existe.
J’y vois donc deux aspects majeurs :
un aspect économique et de souveraineté, car je crois à l’alternative qu’il représente en matière de technologies de l’information ; en s’appuyant sur l’existant et en l’enrichissant de nos compétences françaises et européennes, nous pouvons nous affranchir de la dépendance que nous subissons actuellement vis-à-vis de quelques grandes multinationales américaines. Je rappelle que c’est en grande partie grâce à la fuite de nos cerveaux que les États-Unis ont pu développer cette avancée technologique ; si nous les retenions chez nous grâce à une politique industrielle et une volonté politique forte, nous entrerions à nouveau dans une dynamique d’innovation dans le domaine des technologies de l’information.
un aspect social, car le logiciel libre est libre de diffusion, et il est donc à la portée de toutes les poches. C’est donc pour moi un moyen de réduire la fracture numérique.
Mais le libre est aussi — et c’est fondamental — un moyen de rendre réelle l’interopérabilité, car il utilise et respecte les standards ; pas seulement ceux du marché, mais les standards ouverts et certifiés. Or le respect des standards est à mon sens la seule garantie que la technologie ne sera pas un obstacle à la communication.
VVL : Toujours d’après vous, quels seraient les défis restant à surmonter par le logiciel libre pour devenir une alternative crédible et incontournable face aux logiciels propriétaires ?
R.C. : Un grand pas a été franchi en direction du grand public. Je crois qu’il faut continuer dans la voie de l’accessibilité et de la facilité d’utilisation. Il y a notamment des contraintes vis-à-vis du matériel : les pilotes pour Linux ne sont pas toujours disponibles ou posent certains problèmes (cartes graphiques notamment, mais aussi les périphériques comme les imprimantes, les modems ou encore les scanners) rendant l’utilisation du matériel compliquée, voire impossible.
Les logiciels les plus demandés par les utilisateurs (c’est-à-dire le navigateur, le client de messagerie et la suite bureautique) ont déjà des alternatives très satisfaisantes. OpenOffice.org et les logiciels de Mozilla ont de surcroît l’avantage de tourner aussi bien sur GNU/Linux que sur Windows ou Mac OS, ce qui facilite leur diffusion ainsi que les migrations.
C’est aussi pour cette raison que je me bats contre la vente liée : si nous ne sommes plus obligés d’acheter les logiciels avec le matériel, alors les ménages pourront plus facilement s’équiper, car l’alternative libre est plus que jamais une réalité.
Il y a toutefois un grand défi avec les applications métier et le middleware, ou encore les ERP. Car les grandes entreprises, qui ont les moyens et la demande pour financer leurs propres développements, choisissent aujourd’hui de plus en plus des solutions libres. Mais les petites et moyennes structures, qui ne disposent pas des mêmes moyens ni même n’ont les mêmes besoins, cherchent des solutions clés en main.
VVL : Comment s’est passée votre rencontre politique avec le Libre ?
R.C. : Ma première prise de position importante fut sur le projet de loi « Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information ». J’avais reçu des mails assez alarmants à l’automne 2005. Je me suis donc penché sur les problèmes soulevés par EUCD.INFO — qui était l’initiateur de cette campagne de mailing — et les dangers que j’y ai vus ne me laissaient d’autre choix que de monter au créneau pour défendre la sécurité juridique du logiciel libre.
C’est à cette occasion que j’ai pu prendre conscience de tout ce qui peut entraver, souvent de manière tout à fait illégitime, le développement des logiciels libres et de leur utilisation pour le grand public et les administrations.
VVL : Comment mesurez-vous la prise de conscience du libre au sein du monde politique ?
R.C. : Elle est très inégale. Il y a beaucoup d’élus qui ne savent pas ce qu’est le logiciel libre, et qui sont donc totalement étrangers à ses problématiques ; et il y en a d’autres, dont je pense faire partie, qui sont au contraire très conscients des enjeux du libre et le défendent à chaque occasion. Mais je ne connais pas d’élu qui soit opposé au logiciel libre.
Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que c’est un sujet qui transcende les clivages partisans. Le libre n’est ni de droite, ni de gauche. Et ceux qui le soutiennent y voient l’intérêt général et le bien commun.
VVL : Quelle est la part des institutions françaises à avoir opté pour les logiciels libres ? Ce chiffre est-il voué à augmenter ? Pourquoi ?
R.C. : Plusieurs ministères ont déjà choisi d’utiliser les logiciels libres : l’agriculture, l’intérieur, la défense, la culture, et surtout le ministère de l’Économie et des Finances qui appuie la télédéclaration de l’impôt sur le revenu entièrement sur des briques logicielles libres. Cette part est bien sûr vouée à augmenter, notamment compte tenu du RGI (ndlr : Référentiel Général d’Interopérabilité [1]) qui devrait très bientôt arriver au bout de son processus d’adoption.
VVL : Peut-on aujourd’hui affirmer qu’une migration vers une solution libre peut répondre à l’ensemble des attentes de la part des institutions françaises ?
R.C. : Seule l’Assemblée Nationale pour l’instant ose le 100% libre sur les postes des députés.
Pour la plupart des institutions, une migration des principaux outils (hors système d’exploitation) est tout à fait possible et même souhaitable, que ce soit par rapport aux standards qu’imposera le RGI ou aux économies substantielles que cela représenterait pour le contribuable. Toutefois, de nombreuses administrations ou collectivités territoriales utilisent des logiciels « maison » qui leur sont spécifiques et qui sont conçus pour tourner sur Windows. La migration du système d’exploitation est donc une question plus complexe pour elles, c’est une opération qui se prévoit sur une période plus longue afin de pouvoir réaliser les adaptations nécessaires.
VVL : À quelle place se trouve la France par rapport aux autres pays européens ? La France est-elle un bon exemple ?
R.C. : Je ne dispose pas de données chiffrées précises à ce sujet.
VVL : Pourquoi encouragez-vous à la migration de différentes institutions vers des solutions de logiciels libres ?
R.C. : Pour des questions de standards, avant tout, car je crois que les institutions et administrations françaises se doivent, afin d’être accessibles au plus grand nombre, d’utiliser des outils qui implémentent les standards ouverts. C’est à la fois un gage de compatibilité et de pérennité, car tout éditeur ou auteur de logiciel est en mesure d’implémenter ce standard.
Ensuite pour l’indépendance de nos administrations. Utiliser des logiciels libres, c’est aussi s’émanciper d’une dépendance à un fournisseur unique de logiciels, et se réapproprier la maîtrise de ses systèmes d’information. C’est un point qui me semble essentiel pour certaines administrations dites sensibles.
Et enfin bien sûr, pour des raisons financières, car l’utilisation de logiciels libres, vu la taille de ces institutions et administrations, permet de réaliser des économies d’échelle malgré le coût de déploiement, de migration et de formation que cela implique. J’espère que l’exemple de l’Assemblée nationale en inspirera beaucoup d’autres.
VVL : Vous avez contribué à la migration de l’Assemblée Nationale (la solution sera adoptée dès la prochaine législature), pour que les postes micro-informatiques mis à la disposition des députés soient équipés de logiciels libres (système d’exploitation Linux, suite bureautique Open Office, navigateur Firefox et client de messagerie libre).
Quels sont vos premiers commentaires à ce sujet ?
R.C. : Je félicite avant tout le Président de l’Assemblée nationale, qui a permis que cette procédure ait lieu, ainsi que les Questeurs, qui ont pris cette décision historique. Je tiens aussi à remercier le service des systèmes d’information, qui a beaucoup travaillé à l’étude et est très investi dans cette procédure.
Pour ma part, je souhaite qu’on accompagne ce changement d’une sensibilisation aux futurs outils, et ce, dès que possible, avant de fournir des formations plus poussées lorsqu’ils seront déployés.Je crois qu’il est important que l’Assemblée nationale montre l’exemple, en choisissant des outils comme je l’ai déjà dit moins coûteux et qui utilisent des standards ouverts. Le flux de la séance en direct est d’ailleurs depuis peu proposé au format MPEG4, accessible depuis plusieurs lecteurs multimédias et notamment VLC, en plus des formats Real et Windows Media accessibles uniquement avec des lecteurs dédiés.
VVL : Peut-on dresser un premier bilan de la migration exercée dans votre propre circonscription ? À l’Assemblée Nationale ?
R.C. : Dans ma circonscription, on peut dresser un bilan très positif de la migration : mes collaborateurs utilisaient déjà Firefox, Thunderbird et OpenOffice, leur nouvel environnement de travail (Xubuntu) a donc été facile à apprivoiser. Pour ma part, j’utilise également ces logiciels sur mon portable ; mais en raison de son ancienneté (je l’ai acquis en 1999) nous avons préféré le laisser sous Windows Me.
Le seul obstacle important que nous ayons rencontré est celui de mon smartphone. J’utilisais un Treo 650 ; lorsque nous avons migré, il n’existait malheureusement aucun équivalent aux outils Palm (qui ne fonctionnent pas sous Linux) en terme de simplicité et de fonctionnalités. Nous avons installé JPilot, auquel nous avons dû ajouter un peu de programmation afin d’imprimer un agenda papier complet (JPilot ne permet d’imprimer que 80 caractères par événement, ce qui était insuffisant). Depuis, j’ai changé mon Palm pour un Sony Ericsson M600i, que je synchronise via une interface web tournant sur un serveur Funambol, et utilise Sunbird en gestionnaire de calendrier.
Quant à l’Assemblée, le déploiement n’est prévu que pour la prochaine législature, c’est-à-dire juin 2007.
VVL : Quels sont les premiers retours, du point de vue des utilisateurs, des députés et des collectivités ?
R.C. : Il faudra le leur demander en septembre prochain !
VVL : Quels sont les principaux freins que vous avez rencontrés ? Quels sont les arguments les plus pertinents qui vous furent opposés et comment y avez-vous paré ? les moins pertinents ?
R.C. : Il faudrait peut-être poser cette question aux Questeurs, qui ont eu à prendre la décision finale. En fait la procédure a été simple : une étude d’opportunité a été confiée à ATOS Origin, qui a évalué notamment les coûts du renouvellement du parc selon qu’on optait pour un équipement entièrement propriétaire (Windows Vista + MS Office), partiellement libre (Windows Vista + logiciels libres) ou entièrement libre. Cette étude prenait également en compte les coûts de formation induits par ce changement.
D’une manière générale, l’argument le plus pertinent était celui de la compatibilité avec le matériel personnel des députés. Mais la question des PDA et smartphone, qui était la plus délicate, a été soigneusement étudiée par le SSI et des solutions seront proposées aux députés. Il existe d’ailleurs aujourd’hui des solutions web, reposant sur Funambol, qui fonctionnent avec la plupart des terminaux et des logiciels clients sur toutes plateformes, résolvant au passage les problèmes de compatibilité pour l’échange d’agenda entre les postes de l’Assemblée et les postes en circonscription, qui sont très souvent sous Windows.
Enfin, l’argument le moins pertinent était celui de la compatibilité des formats avec les utilisateurs de MS Office, car comme chacun le sait, OpenOffice est capable de lire et de produire de nombreux formats, y compris ceux de MS Office.
VVL : Le temps des députés n’est pas extensible et c’est bien souvent leur entourage (assistant, secrétaire, etc.) qui se trouve confronté à l’utilisation de l’informatique. Sont-ils également visés par cette migration ? Dans le cas négatif, la migration vers des solutions libres sera-t-elle généralisée ?
R.C. : Oui, en effet.
Pour la prochaine législature, les députés disposeront d’un poste pour eux-mêmes + un poste pour leur assistant(e). Les assistants-parlementaires à l’Assemblée sont donc directement visés par cette migration. En revanche, les permanences en circonscription sont autonomes, et leur équipement pourra aussi bien être (ou demeurer) propriétaire. Ce sera aux députés de choisir au moment d’acquérir de nouveaux équipements.
VVL : Comment expliquez-vous que la Cour Européenne continue à attaquer Microsoft pour abus de position dominante, alors que dans le même temps, un certain nombre d’institutions françaises continuent à prôner (indirectement ou directement) les formats et logiciels propriétaires comme ceux de Microsoft ?
(Le cas de l’assemblée : le flux vidéo est sous format ‘wmv’, l’accès à certains sites nécessite une plate-forme Windows et son logiciel Internet Explorer ; idem pour les plateformes dites de téléchargement de musique légale ; Éducation Nationale « sponsorisée par Microsoft » ; etc.)
R.C. : La Commission Européenne est en procès avec Microsoft pour abus de position dominante, car elle y voit une atteinte à la libre concurrence sur le marché des logiciels en Europe.
Les institutions et administrations françaises, quant à elle, ne « prônent » pas réellement les formats et logiciels propriétaires. En réalité, c’est une situation héritée de l’époque où les administrations se sont équipées. Avec le nombre croissant d’utilisateurs de logiciels libres, elles sont aujourd’hui amenées à changer leurs comportements, en passant progressivement des standards du marché sur lesquels elles avaient jugé bon de s’appuyer, aux standards ouverts qui sont réellement accessibles à tous par des logiciels libres et gratuits.
Pour le cas particulier de l’Éducation nationale, je pense que vous faites allusion à l’opération « Internet + sûr », sponsorisée entre autres par Microsoft. Il s’agit là de s’adresser au plus grand nombre, Windows étant le système d’exploitation de loin le plus répandu dans les foyers français. Mais je ne peux que déplorer cette vue partielle de la situation et surtout l’omission quasi totale des logiciels libres dans toute cette opération. Quand on parle de sécurité sur Internet, on ne peut se permettre d’oublier ne serait-ce que les logiciels libres de navigation et de courrier électronique, qui disposent de nombreuses protections contre les malveillances et les atteintes à la vie privée.
Enfin, concernant les plateformes de téléchargement de fichiers musicaux sous DRM, j’ai eu maintes fois l’occasion de dire lors des débats du DADVSI combien l’interopérabilité était importante à mes yeux. Sans interopérabilité, on remet en cause le droit de lire, et on tue dans l’oeuf l’économie de la musique en ligne tout en encourageant le piratage. Certaines plateformes, qui souffrent de cette absence d’interopérabilité, commencent d’ailleurs à vendre de la musique au standard MP3.
VVL : Les formats ouverts auront-ils un jour réellement droit de cité dans les administrations françaises ?
R.C. : C’est tout le sens du RGI, qui devrait entrer en application très bientôt.
VVL : Dans votre circonscription, quels sont vos liens avec des acteurs locaux du libre ? Les avez-vous recensés ? Connaissez-vous leurs activités ? Connaissent-ils votre implication dans DADVSI et ses suites ?
R.C. : Je crois que la plupart des acteurs du libre, a fortiori au niveau local, ont connaissance de mon implication dans le projet de loi DADVSI et les problématiques du libre en général — le web est incontestablement un formidable vecteur d’information. Je n’ai pas eu l’occasion de les « recenser », mais j’en ai rencontré quelques-uns, surtout entre décembre 2005 et mars 2006. De plus, j’ai dans ma circonscription Inovallée, l’ancienne ZIRST de Meylan et Montbonnot (Zone Industrielle et de Recherche Scientifique et Technologique), véritable Silicon Valley grenobloise ; les SSII y sont très nombreuses, et parmi elles un certain nombre travaillent sur les logiciels libres. J’ai également dans ma circonscription le laboratoire de recherche de Sun Microsystems, et Bull a implanté son centre Logiciel Libre dans l’agglomération grenobloise.
VVL : Quelles sont vos utilisations du Logiciel Libre, et quels sont les logiciels libres que vous utilisez le plus souvent ?
R.C. : J’utilise régulièrement Firefox et Thunderbird ainsi qu’OpenOffice, et je viens d’installer Sunbird ; enfin, VLC est mon lecteur multimédia par défaut.
VVL : De quels logiciels libre ne pourriez-vous plus vous passer et, au contraire, pour quels logiciels propriétaires n’avez-vous trouvé aucune alternative convaincante ?
R.C. : Les logiciels que j’ai cités à la question précédente sont à mes yeux irremplaçables, en termes de fonctionnalités, de sécurité (Firefox et Thunderbird), et pour la large gamme de formats qu’ils savent lire (OpenOffice et VLC).
En revanche, je regrette que le Palm Desktop n’ait pas d’équivalent en version libre. J’en ai déjà parlé plus haut. Je suis satisfait de Sunbird comme gestionnaire de calendrier, mais je ne retrouve pas dans le dispositif existant (Thunderbird + Sunbird ou extension Lightning) la simplicité du Palm Desktop.
VVL : Avez-vous déja contribué activement, financièrement ou de quelque manière que ce soit à un logiciel libre que vous utilisez régulièrement ou à un autre type de projet libre ?
R.C. : Non.
VVL : Ecoutez-vous de la musique sous licence libre ? Si oui, quel est votre groupe/chanteur favori ? La plateforme que vous visitez le plus souvent ?
R.C. : Non. D’une manière générale, je ne suis pas un grand consommateur de musique.
En revanche, j’ai apporté mon soutien à la plateforme boxson, qui offre une structure aux artistes et organise des événements musicaux. À l’heure des débats sur le droit d’auteur et le téléchargement, je crois qu’il est important de soutenir les initiatives légales qui apportent une alternative à l’offre commerciale des majors, à la fois pour offrir autre chose au public qui se plaint souvent du manque de diversité, et surtout pour que les artistes ne soient pas contraints, pour se faire connaître, de passer par des labels très sélectifs qui imposent de nombreuses conditions.
VVL : D’une façon plus générale, quel crédit apportez-vous aux licences libres ? Quelles conclusions faites-vous sur un mouvement issu des auteurs eux-mêmes qui chamboule l’utilisation classique de la propriété intellectuelle, véritable renversement de paradigme ?
R.C. : Lorsque je constate qu’une œuvre ou un logiciel est sous licence libre, j’en déduis que son auteur avait la volonté de le partager. J’accorde beaucoup d’importance à cette dimension de « bien commun » que permettent les licences libres. Mon expérience de la coopération et du développement me fait approuver Koïchiro Matsuura lorsqu’il dit que « le partage du savoir est un multiplicateur de croissance ».
À mon sens, les auteurs qui choisissent les licences libres ont capté cette idée avant même qu’elle ne soit formulée. Mais ce choix exprime également une vision différente.
VVL : Les différentes administrations françaises utilisent et diffusent énormément de documents et d’outils que ce soit en interne ou en externe. Cela pose la question du droit du contribuable sur des publications pour lesquelles il paye, mais où seul le droit de consultation lui est concédé (droits réservés avec reproduction interdite sur des fascicules ou plans municipaux, par exemple).
Pensez-vous que l’idée de l’adoption d’une licence libre pour un certain nombre de productions publiques puisse faire son chemin ?
R.C. : Les licences libres sont un nouveau modèle de propriété intellectuelle, il faut laisser le temps aux décideurs concernés d’appréhender ce modèle pour ensuite se prononcer sur le régime applicable aux documents produits par leurs administrations. Mais je ne doute pas qu’avec un peu de sensibilisation ils seront nombreux à s’y intéresser.
VVL : Que pensez-vous de l’émergence de la « culture libre », ne s’appliquant plus seulement aux logiciels, mais aussi aux autres domaines artistiques via des licences spécifiques ?
Pensez-vous que la structuration actuelle de la « communauté » du libre ouvre la voie à une nouvelle conception de nos relations à l’informatique, voire même à la création en général ?
R.C. : Il est clair que le mode de développement collaboratif conduit à la notion de bien commun, partagé et accessible à tous. Il donne à l’informatique tout son sens en tant qu’outil de communication, et non simple produit de consommation.
C’est pour moi comme les lettres de l’alphabet, un bien universel permettant de réduire la fracture entre les Hommes et les sociétés. Ce savoir-là ne doit pas être au contraire une barrière supplémentaire, érigée dans un parcours d’obstacles d’accès à la connaissance. Le fait que l’UNESCO l’ait reconnu comme Trésor du Monde en est d’ailleurs un signe.
C’est en ce sens que le logiciel libre a une valeur universelle qui devrait à mon sens être propulsée par les pays européens dans un objectif notamment de réduction du fossé Nord-Sud.
Nous remercions vivement M. le Député pour avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions.
[1] Référentiel Général d’Interopérabilité : Tout sur le site Web, L’explication par Apitux
Commentaires
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Petite parenthèse libre en Isère ! , le 13 février 2007 par Tibo [Boxosn Grenoble] (0 rép.)
Un député geek , le 2 février 2007 par Bogoris (0 rép.)
Eh bah, quand je le voyais si bien maîtriser le sujet, je me suis dit "il est calé", quand je l’ai vu parler de palm-desktop et des PDA, sujet qui m’est inconnu, je me suis dit "oh, en plus d’être un politic geek, c’est un computer geek" ^^ En plus, Sunbird je ne connaissais pas !
Un des trucs qui m’a le plus paru intéressant c’est ça : « Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que c’est un sujet qui transcende les clivages partisans. Le libre n’est ni de droite, ni de gauche. Et ceux qui le soutiennent y voient l’intérêt général et le bien commun. »
Bref, ce M. Richard Cazenave a l’air d’être une personne intelligente et je le remercie des initiatives qu’il prend pour garantir l’égalité de nos droits :)
Interview de M. Richard Cazenave, député de la 1re Circonscription de l’Isère , le 30 janvier 2007 par Xtof59 (2 rép.)
Interview de M. Richard Cazenave, député de la 1re Circonscription de l’Isère , le 2 février 2007 par Bogoris
Ou DSL au pire ^^
Moi si j’ai pas migré mon 98 sur mon vieil ordi, c’est pour les vieux jeux ^^
Interview de M. Richard Cazenave, député de la 1re Circonscription de l’Isère , le 5 février 2007 par nico
D’accord avec la plus grande légereté de Xubuntu.
Mais peut-être simplement que le matériel étant un peu vieux, il n’a pas trouvé de pilotes pour Linux.
En tout cas, il maitrise bien son sujet, chapeau bas !
Interview de M. Richard Cazenave, député de la 1re Circonscription de l’Isère , le 27 janvier 2007 (0 rép.)
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