Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ?

Cet article est notre deuxième "pillage" d’affilée des technochroniques, le blog de Tariq Krim dont nous ne saurons trop vous conseiller la lecture régulière (par exemple en gardant un oeil sur son fil RSS).

Quand bien même son contenu soit sous licence libre (une Creative Commons à la sauce wiki), faire le choix d’une technologie propriétaire (Jotspot) pour la mise à jour collective de l’un de ses livres, n’est peut-être pas une bonne idée lorsqu’il existe d’excellentes alternatives libres et que l’on s’appelle Lawrence Lessig, inspirateur des licences Creative Commons et figure de proue de la "free culture" !

Larry Lessig, l’inventeur des contrats « creatives commons », membre du board de la Free Software Fondation et lobbyiste numéro un contre la réduction des champs d’action de la culture, de la technologie et de l’innovation par une réglementation trop stricte des lois sur la propriété intellectuelle, vient de lancer un wiki avec un logiciel propriétaire.

Pour ceux qui n’auraient pas compris le sens de la phrase précédente, ou pour donner une lecture plus chronologique des choses, il est important de rappeler qui est Larry Lessig et pourquoi cela provoque notre étonnement.

Ce juriste, constitutionaliste, guest star à ses heures de la série West Wing, est l’un des acteurs les plus importants de la sphère internet. Professeur de droit à l’Université de Harvard, puis de Stanford, il a joué un rôle majeur dans les procès menés contre Microsoft pour abus de position dominante.

Il y a 8 ans, il avait écrit le premier ouvrage (d’une longue liste d’essais) sur les dangers du verrouillage juridique et technique de l’innovation culturelle et technique : « Code and other laws of cyberspace ». Ce livre, outre la phrase prophétique "le code c’est la loi" est le point de départ d’une théorie de la complexité des enjeux et des forces qui agissent pour limiter le champ d’action de l’innovation aux USA.
"Code" est mon lessig préféré car il met l’accent sur les risques d’un allongement des droits d’auteurs, de la création de monopoles technologiques (notamment ceux de Microsoft), mais aussi de la modification de l’architecture de l’Internet par la mise en place de gigantesques tuyaux à sens unique à un moment ou toute les énergies sont concentrées dans le développement à tout prix du réseau.

En 1997, nous sommes loin de Napster, de Firefox et des débats qui déchirent l’Amérique comme l’examen de passage des technologies P2P devant la Cour Suprême qui démarre aujourd’hui.

Ce livre, qui reste à mon avis le plus noir de son oeuvre, a un marque un tournant dans la politique de l’Internet, non pas que Lessig soit isolé dans ses positions - de nombreux universitaires et notamment Jessica Litmann soutiennent des avis similaires, mais, parce qu’il qu’il va influencer durablement les nouvelles coalitions alternumériste en Europe et dans le monde entier.

Il y a quelques année, lors d’une de ses visites à Paris, je lui avais lancé (un peu) par provocation la phrase suivante : "si le code c’est la loi, alors le P2P, c’est la culture". Il s’en était suivi une longue discussion sur les modalités de changement du monde. Si le contenu de l’ancien modèle ne souhaitait pas s’adapter au web, comment faire pour que celui qui est en train d’être produit puisse s’adapter à cette nouvelle donne. Sans le savoir, cette discussion à l’Ecole des Ponts et Chaussées avec quelques juristes et Bernard Benhamou, infatigable évangéliste de la pensée lessigiste en France, jetait les bases du projet qui a rendu célèbre Lessig : les contrats « Creatives commons ».

Commons, se traduisant en Français par Biens communs, on peut parler de Biens communs de la création, qui seraient un sous-ensemble des Biens communs informationnels, chers à Philippe Aigrain, qui englobent aussi le logiciel libre et l’ensemble de la production de savoir numérique ouverte.

Ces contrats ont connu un énorme succès notamment dans les blogs dont ils encadrent les conditions de réutilisation des contenus. Dans une moindre mesure, ces contrats ont permis la diffusion d’oeuvres multimédia, même si l’engouement dont bénéficient aux Etats Unis les « Creative commons » ne s’est pas retrouvé au sein de la communauté artistique française (trop divisé sur ces questions).

Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi- même, la diffusion du dernier livre de Lessig, « free culture », clé de voûte de la philosophie lessigienne est sorti sous licence « Creative commons » en version Internet simultanément à la version papier. La licence a permis la création d’une version audio librement diffusable via les réseaux P2P et elle a inspiré des auteurs français comme Florent Latrive et Philippe Aigrain qui ont diffusés leurs derniers ouvrages sur le même mode.

Au delà de la forte implication des blogs aux « Creative commons », c’est surtout l’hommage de l’industrie internet qui désormais s’appuie sur eux qui contribue à les crédibiliser. Ainsi Yahoo propose un moteur de ressources « Creatives commons, permettant à qui le souhaite de trouver des images dont le contrat autorise une Reexploitation. Firefox propose également un petit plug-in permettant d’afficher automatiquement les licences des pages et de vérifier leur réutilisation.

C’est pour cela qu’à l’instar de wikisearch, si j’ai applaudi la mise en ligne sous la forme d’un wiki (base de connaissance en ligne simple à éditer) de mon livre préféré de Lessig , je également suis étonné du choix de la technologie mise en oeuvre, non seulement elle n’est pas basée sur du logiciel libre, mais elle est développée par une société dont le créateur trouve le logiciel libre "old school" !

Voyez donc, c’est comme si l’on apprenait soudain que José Bové cultive du maïs transgénique dans son potager !

Tariq Krim, le 29 mars 2005

Publication avec l’autorisation de l’auteur.

Commentaires

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> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 7 avril 2005 (0 rép.)

Le wiki en question permet une gestion fine des auteurs. En particulier il est nécessaire de remplir un formulaire pour obtenir un identifiant avec confirmation par mail.

Ces fonctionnalités sont rarement présentes dans les wiki libres (à ma connaissance) ou sinon il faut le faire manuellement dans des fichiers de conf.

Je ne peux repprocher à Lessig de vouloir au moins une adresse mail par contributeur. Je crois donc que sont choix est surtout d’ordre pratique : (le personnage étant plutôt actif et très mobile aux quatres coins du globe).

« la philosophie lessigienne » : Personnellement je ne vois pas de "philosophie" dans ses discours (mais bon c’est pas mon point fort la philo). Je suis par contre interpelé par l’aspect "démonstration scientifique", chiffres à l’appui, de ses conférences :

http://www.itconversations.com/shows/detail349.html

http://randomfoo.net/oscon/2002/lessig/free.html

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> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 7 avril 2005 par Marmot (2 rép.)

non seulement elle n’est pas basée sur du logiciel libre, mais elle est développée par une société dont le créateur trouve le logiciel libre "old school" !

D’habitude je juge les qualités d’un texte sur base des idées qui y sont contenues, pas sur base du papier ou de ce que pense le fabriquant du papier à propos de l’industrie papetière.

Sur le même modèle de la caricature çi-dessus, j’imagine que Mr Krim estime qu’un écolo qui ne se déplace pas à vélo n’est pas crédible quand il parle de l’épuisement des énergies fossiles.

> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 10 avril 2005 par sevo

L’article est mesuré

J’espère que Leissig remplacera rapidement son wiki, ce n’est pas la mère à boire, il a même tout à y gagner...

ce n’est pas comme demander à un rmiste de manger bio, à aucun niveau...

C’est son job d’utiliser des solutions libres, et il y en a des soltuions !!!

> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 11 avril 2005 par AntoineP

C’est son job d’utiliser des solutions libres

Vraiment ? Si c’est le cas, peux-tu nous donner l’énoncé de son contrat de travail ?

Je crois qu’on confond vraiment la fin et les moyens, par moments (non que je sois toujours d’accord avec l’action de Lessig, mais l’attaque qu’on lui fait ici est ridicule...).

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Et cet article, quelle licence ? , le 6 avril 2005 (1 rép.)

Je trouve amusant de jouer les puristes quand on publie son article sous licence non-libre ("verbatim"). Heureusement pour Tarik K., le ridicule ne tue pas...

Et cet article, quelle licence ? , le 26 février 2006 par ALC

En quoi est-ce ridicule ? Les idées exprimées dans ce genre d’essais sont celles de son auteur. Il serait ridicule de publier ce genre de texte sous license gpl ou autre.

Rien n’interdit de s’inspirer du contenu de cet article pour rédiger sa propre opinion. Mais quand il s’agit de jouer avec des copier/coller, ce n’est pas permis, et c’est normal, cela déformerait les propos de l’auteur. Donc si tu veux reproduire ce texte, pas question d’aller modifier son contenu... c’est parfaitement légitime...

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> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 6 avril 2005 par R4f (0 rép.)

« ...Lawrence Lessig, ... figure de proue de la "free culture" ! »

Free devant être compris ici comme gratuite et non pas libre, ce que l’assimilation au logiciel libre (Free Software) ne laisserait pas songer...

Sinon, pour en revenir au débat, n’oublions pas qu’en matière de logiciels, Richard Stallman est parti du système (non libre) UNIX pour faire les bases du système GNU. D’ailleurs, le sigle GNU reflète directement ses sources... d’inspiration (Gnu’s Not Unix).

Framasoft fait, à juste titre, la publicité du logiciel libre en environnement non libre, principalement Windows ; si on suit l’argumentaire du présent article, on devrait jeter tout ce (beau) monde au flammes !

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Du propriétaire pour promouvoir le libre , le 6 avril 2005 par RNB (0 rép.)

C’est un débat éternel et sans fin : peut-on utiliser du propriétaitre pour promouvoir du libre ?

Voir pseudo-manifeste.

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> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 6 avril 2005 par Florent (1 rép.)

Lessig est un Bové qui planterait des OGM ? Alors Tariq Krim est un deep ecologist qui boit de l’Actimel : on ne peut pas poster de commentaire sur son message, c’est bloqué, c’est interdit...

Serait-ce la preuve que la quête de l’intégrité est un leurre ? Pour écrire Du bon usage de la pirateire, je le confesse, mon OpenOffice tournait sur un Wndows XP et certaines images du site ont été travaillées en JPG alors que le format était encore breveté.... Mille pardons (libres) à Tariq Krim, dont les choniques sont hébergées par le Monde qui, comme tous les quotidiens français, n’utilisent que du Libre pour leur mise en ligne....

Salutations libres et amusées

Florent Latrive

-----> Du bon usage de la piraterie

> Un wiki propriétaire, une faute de goût de Larry Lessig ? , le 6 avril 2005

Cher florent,

les commentaires sont activés enfin.

J’avoue, typepad et movable type ne sont pas libres (à mon presque grand regret), mais l’ensemble des mes autres blogs sont sous dotclear qui lui est bien libre.

écrit sous firefox (mais sous windows ;) )

florent, peux tu remettre ce commentaire sur mon blog ?

 t

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