• Auteur : K. Ravi Srinivas (traduction : Emmanuel Delannoy)
  • Date : 17 octobre 2004 (15 décembre 2004)
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La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général

La question des brevets logiciels est depuis quelques mois une source de préoccupations pour les développeurs de logiciels libres [1]. Le problème n’est pas uniquement de voir des multinationales s’accaparer techniques et outils mais également de réduire les marges de manoeuvre, l’innovation et la diffusion du savoir numérique.

L’informatique n’est pas la seule activité économique menacée par de tels procédés. Depuis quelques années déjà et l’avènement de l’ingénierie génétique, le monde du vivant est lui aussi devenu une cible de choix de cette "privatisation" à outrance, dans le domaine agro-alimentaire ou pharmaceutique.

Comment dés lors lutter contre cette appropriation du vivant, contre la dépendance de plus en plus grande des agriculteurs vis-à-vis des industriels producteurs de semences ou de pesticides ? Le chercheur indien K. Ravi Srinivas tente de répondre à la question en prenant exemple sur le mode de développement des logiciels libres. Il introduit ainsi la notion de "biolinux" : l’information génétique devrait être considéré comme le "code source" du vivant, librement accessible pour le bien commun de l’humanité.

Nous vous proposons ici une reproduction de la traduction française effectuée par Emmanuel Delannoy d’un article qu’il a écrit en 2002, et où il détaille la manière dont biologistes et généticiens pourraient s’inspirer du mouvement Open Source informatique. La version anglaise originale est téléchargable sur le site Noolithic.

Par manque de vitamine A, plus d’un million d’enfants meurent chaque année, et bien plus encore subissent les séquelles de carences graves. Face à cette tragédie, des scientifiques ont mis au point le « riz doré », une variété de riz contenant plus de bétacarotène, le précurseur de la vitamine A. Mais l’étude des droits de propriété intellectuelle impliqués dans le développement de cette variété de riz a montré que plus de 30 groupes de brevets avaient été déposés sur différents procédés et produits indispensables à sa production. Ce qui signifie que, à moins que les détenteurs des brevets ne renoncent à leurs droits, ou qu’ils n’en cèdent gracieusement les licences d’utilisation, cette nouvelle variété de riz ne sera jamais disponible à un prix abordable pour les populations auxquelles elle est destinée.

Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres.

Ces dernières années, la tendance au dépôt de brevets et autres titres de propriété a suivi une telle augmentation qu’aucun chercheur, aujourd’hui, ne peut être sûr que les procédés qu’il utilise soient libres ou non de droit, et qu’il n’est pas en train de violer les droits d’un tiers détenteur. De nombreux procédés, outils, méthodes sont maintenant protégés par brevet. Pour reprendre l’exemple du riz, il est estimé que le nombre de brevets déposés chaque année a fait un bond de moins de cent jusqu’en 1995, à plus de six cent par an entre 1996 et 2000. Cette augmentation du nombre de brevets, associée à la pratique nouvelle des brevets à large spectre est devenue un nouveau défi à relever pour les chercheurs du monde entier.

La notion de droits de propriété intellectuelle pour les variétés végétales est relativement récente. De nombreux pays n’accordent toujours aucun droit dans ce domaine, alors que les Etats-Unis en permettent même la protection par brevet. Jusqu’à l’Uruguay Round, les droits de propriété intellectuelle sur les plantes et les variétés végétales n’étaient même pas à l’ordre du jour du GATT ; leur inclusion dans l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (ADPIC - TRIPS en anglais) a suivi le développement des biotechnologies, et celui de l’investissement privé dans l’industrie des semences.

En 1970, l’US PVPA (Plant Variety Protection Act) rendait possible une protection, dont les modalités étaient proches du brevet, pour toutes les plantes, que leur propagation soit sexuée ou asexuée. Un certificat de protection pouvait être accordé à quiconque en faisait la demande, sous réserve que la plante en question réponde à des critères de nouveauté, d’uniformité et de stabilité.

D’autres pays ont des pratiques différentes. Une déclaration des droits des semenciers a été proposée pour la première fois en 1956, et une conférence internationale sur ce sujet fut organisée à l’initiative du gouvernement français en 1957. La convention, signée à Paris le 2 décembre 1961 par la Belgique, le Danemark, la République Fédérale d’Allemagne, les Pays Bas, l’Italie et le Royaume Uni fondait l’Union Pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV). Toutefois, aucun consensus n’était établi entre les pays signataires pour décider quelles semences seraient couvertes par la convention. L’objectif étant que la convention s’applique à terme pour toutes les semences végétales, mais qu’en attendant chaque pays signataire restait libre d’inclure ou d’exclure telle ou telle variété.

Parallèlement, l’OMC, qui succédait au GATT, instaurait dans le cadre des ADPIC (TRIPS) le fait que les plantes puissent être considérées comme des inventions, et donc à ce titre protégées par les régimes des droits de propriété intellectuelle.

Pour faire l’objet d’un brevet, une innovation doit résulter d’une invention, terme dont la définition reste imprécise. Dans le cas des plantes, le critère d’inventivité sera déclaré satisfait seulement s’il est prouvé que la variété n’existe pas dans la nature. Dans le cadre de l’UPOV, la protection (par un Certificat d’Obtention Végétale) peut être accordée si la variété est nouvelle, stable et homogène.

Mais le débat sur ce qui est brevetable a pris un tournant décisif avec la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis dite « Diamond vs Chakrabarty », instituant la brevetabilité de toute réalisation humaine : « Everything under the sun made by man is patentable » [2]. Dès lors, la discussion sur la brevetabilité du vivant se résume à définir s’il s’agit ou non d’une production humaine, répondant au critère d’inventivité, et donc de brevetabilité. Cette jurisprudence a été confirmée par la suite dans plusieurs cas (ex parte Hibberd, 1985 et ex parte Allen, 1988). En Europe, la brevetabilité du vivant a elle aussi été élargie par l’OEB (Office Européen des Brevets) par une décision clé en 1992. Ces deux décisions rendent désormais possible la délivrance de brevets pour des plantes ou des microorganismes, quelques soient les techniques utilisées (Génie génétique ou sélection).

La Convention sur la délivrance de Brevets Européens (CBE) permet aux états membres d’exclure de la brevetabilité les inventions dont l’exploitation commerciale seraient de nature à troubler l’ordre public ou la moralité (par exemple à cause d’effets néfastes sur la santé humaine, la vie animale ou végétale, ou de dégâts environnementaux). Mais cette même convention ne permet pas à un état membre d’exclure une invention de la brevetabilité pour la raison que son exploitation serait illégale sur son territoire. Cette condition doit être comprise à la lumière des décisions du GATT, article XX, (a), (b) et (c), et des textes relatifs au règlement des différents de l’OMC. Une lecture approfondie des textes montre la difficulté d’exclure une invention du champ de la brevetabilité sur la base des critères d’ordre public ou de moralité. La Convention des Brevets Européens les mentionne bien, mais sans en préciser clairement ni le sens ni l’applicabilité. Les ADPIC ne permettent pas non plus clairement d’exclure le vivant de la brevetabilité sur la base de ces critères.

De même, il est difficile de comprendre comment l’OMC interprétera la notion d’invention. D’après le texte des ADPIC : « Les Membres pourront aussi exclure de la brevetabilité : les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux ; les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques. Toutefois, les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens. ».

La législation sur le champ de la brevetabilité et de la protection de la propriété intellectuelle suit l’évolution de la science et de la technologie. Le législateur essaie de rester en phase avec les percées réalisées dans le domaine des technologies du vivant, en adaptant la couverture et l’objet des textes. L’application des ADPIC dépendra de l’évolution à la fois de la réglementation, et de celle des sciences de la vie. Ce qui restera un sujet complexe, tant les récents développements des biotechnologies et du génie génétique ont altéré la frontière entre le vivant et l’inerte. Aujourd’hui, les organismes génétiquement modifiés - notamment les plantes transgéniques - deviennent de plus en plus courants.

Ces tendances lourdes, et quelques autres comme la concentration du secteur agrochimique, ont pour conséquence une plus grande dépendance des agriculteurs vis à vis des groupes multinationaux pour leur approvisionnement, que ce soit en semences, herbicides, insecticides, ou tout autre intrant agricole. Cinq compagnies contrôlent 75% du marché des semences végétales. Deux seulement (Dupont et Monsanto, contrôlent à elles seules 73% du marché américain des semences de maïs. Pour les plantes transgéniques, les trois premières compagnies se partagent 75% du marché. Dans les dix dernières années, le secteur a connu tant de fusions et d’acquisitions qu’une société comme Monsanto possède un intérêt direct ou indirect dans pratiquement toute semence, ou que ce soit dans le monde.

La tendance aux brevets à large spectre a pour effet ce qu’on appelle maintenant les « anti-communs ». En 1968, Hardin déplorait la « tragédie des communs » [3]. Aujourd’hui, Heller et Eisenberg déplorent la sous utilisation des ressources rares due à ce que de trop nombreux détenteurs et ayant droits se freinent mutuellement. La prolifération actuelle des brevets oblige les chercheurs à obtenir des détenteurs les licences d’utilisation tant pour des biens que des procédés nécessaires à leurs travaux. Bien qu’en théorie une protection plus forte des brevets soit destinée à favoriser l’innovation, il semble en être autrement en pratique. D’autant que cette plus forte protection des brevets incite les déposants à revendiquer une couverture plus large et à pratiquer une politique de cession de licence plus restrictive. Cet effet est particulièrement sensible dans des secteurs comme les biotechnologies ou l’industrie pharmaceutique.

Dans le domaine du végétal, rien n’indique que la protection par le brevet résultera en une plus longue disponibilité des variétés, ni que leur nombre augmentera. Au Royaume Uni, l’âge moyen des variétés cultivées est passé de plus de six ans à la fin des années 60 à moins de 3 ans au début des années 1990.

La production des semences végétales, en tant qu’activité industrielle, a moins de deux cents ans, bien que les fermiers croisent, expérimentent, sélectionnent et conservent les espèces végétales depuis des temps immémoriaux. La diversité actuelle des semences agricoles résulte de leur travail accumulé au fil des siècles, améliorant sans cesse ce que la nature avait mis à leur disposition. Mais cette pratique éprouvée de collecte, de sauvegarde et d’échange de semences végétales par les paysans fait aujourd’hui débat. La révision en 1991 du traité de l’UPOV laisse désormais aux législateurs nationaux la possibilité d’autoriser ou d’interdire ces pratiques.

L’hégémonie des groupes multinationaux et la perte de biodiversité agricole qui en résulte peuvent cependant être contrées de plusieurs façons que je vais décrire brièvement.

L’un des moyens serait que les agriculteurs s’organisent en communautés pour retrouver et utiliser les semences tombées dans l’oubli, en les ajoutant aux variétés actuelles, et pour les diffuser et les partager entre eux. Cette pratique permettrait de redécouvrir certaines variétés oubliées, et de préserver la biodiversité agricole.

Une autre possibilité serait de développer l’agriculture biologique, d’encourager des pratiques agricoles « durables » et de réduire la dépendance aux nouvelles variétés végétales. Ce qui implique là aussi l’utilisation de variétés locales ou aujourd’hui négligées.

Une autre solution serait de développer de nouvelles variétés en collaboration, en prenant en compte les besoins spécifiques de chacun. Cette méthode, appelée « sélection participative », s’apparente au mode de fonctionnement du logiciel libre et « open source ».

Les fermiers ont mis au point au fil des siècles des variétés végétales nouvelles et les ont partagées entre eux. Ces expérimentation continuelles, sélections, diffusions, et échanges favorisaient un brassage génétique entre les variétés et bénéficiaient à la diversité. Cette méthode de sélection participative peut bénéficier du rapprochement des savoirs faire traditionnels et du meilleur de la science moderne, pour développer des variétés qui soient à la fois économiques, d’utilisation facile, et qui répondent aux particularités des différentes zones agro-climatiques. La sélection participative est aussi un processus d’enrichissement des savoirs collectifs. Les fermiers évaluent les semences selon des critères variés, et décident collectivement lesquelles choisir et quelles améliorations apporter. Cette approche permet aussi d’améliorer les variétés traditionnelles afin de les adapter aux besoins des agriculteurs d’aujourd’hui.

Ces trois méthodes ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Elles peuvent être utilisées conjointement pour conserver la biodiversité et mettre au point de nouvelles variétés.

Une question semble alors évidente : Si ces pratiques sont possibles aujourd’hui, pourquoi ne sont-elles pas largement utilisées ? La réponse tient dans les politiques agricoles, qui ne leur accordent pas beaucoup d’importance. Par ailleurs, les budgets de recherche et développement des compagnies multinationales sont si énormes qu’en comparaison, même les gouvernements sont limités. Par exemple, Monsanto a un budget de recherche et développement plus important que la dotation qu’accorde le gouvernement indien au Conseil Indien de la Recherche Agricole (ICAR).

Logiciel Open-source, logiciel libre et GPL

Au fil des ans, la mouvance du logiciel libre a démontré que des logiciels de bonne qualité pouvaient être diffusés largement à un coût abordable, et qu’ils pouvaient s’adapter a un grand nombre de systèmes et de matériels informatiques. Ce faisant, les logiciels libres se sont même affirmés comme une alternative à l’hégémonie de Microsoft et du modèle « Wintel ». Aujourd’hui, internet ne fonctionnerait pas sans le logiciel libre.

Le « Copyleft » (gauche d’auteur) est une innovation dont le but est de dépasser les barrières limitant la liberté des utilisateurs, affirmant le principe que le logiciel libre est un bien public et doit le rester. Les améliorations apportées au logiciel ne doivent pas se faire au détriment des utilisateurs ni des développeurs. Par ailleurs, le Copyleft lie étroitement le code source et la liberté d’accès et d’utilisation qui lui est associé, et définit les bases légales de cette association. Le Copyleft existe sous différentes formes, l’une d’elles étant la GNU Public Licence (GNU GPL ou Licence publique générale GNU).

Des études récentes ont porté sur la question de savoir si une protection plus forte des logiciels par les brevets était nécessaire au développement de logiciels. En fait, il a été observé qu’une protection forte pouvait au contraire limiter la disponibilité de biens complexes comme les logiciels informatiques. La question des logiciels libres doit être analysée à la lumière de questions politiques plus larges comme l’accès à l’information et la diffusion des technologies, plutôt que relevant seulement du domaine des logiciels et des droits de propriété intellectuelle.

A quoi pourrait ressembler un biolinux ?

Le modèle des biolinuxes repose sur le fait que les fermiers sont à la fois utilisateurs et innovateurs des technologies, et sur le concept de Copyleft. Ce modèle peut s’appliquer au développement de variétés végétales, de machines agricoles ou simplement à l’information et à la connaissance dans ce domaine. Pour une nouvelle variété végétale développée selon les pratiques de la sélection participative, le modèle biolinux fonctionnerait de la manière suivante : La nouvelle variété serait rendue disponible sous licence GPL, ou un autre type de licence précisant les droits et devoirs de l’utilisateur. Elle pourrait aussi être mise dans le domaine public, ou encore sous une licence de type COV, protégeant les droits du sélectionneur, sans restreindre les droits de quiconque à expérimenter, innover à partir de cette variété, ni à céder ou échanger les semences épargnées. La seule restriction (selon le principe du Copyleft) étant que les variétés dérivées ou croisées à partir de la variété originale soient elles aussi rendues disponibles pour toute expérimentation, sélection et développement nouveaux [4].

L’application de ces principes peut être réalisée de différentes façons. Une agence pourrait être créée pour coordonner ces activités et servir de plateforme d’échanges entre les semenciers et les fermiers et leur donner des conseils sur les questions relatives aux droits de propriété intellectuelle. Un fond commun de semences pourrait être géré et alimenté collectivement par les fermiers, qui pourraient aussi en recevoir des échantillons. Ce fond commun pourrait lui-même échanger des semences avec d’autres intervenants, dans le cadre de contrats d’échanges.

Certaines agences spécialisées dans une variété particulière pourraient collecter l’information, encourager l’innovation et dispenser conseils et supports méthodologiques aux fermiers participant aux programmes de sélection participative. Ces agences pourraient aussi contribuer à alimenter les banques de gènes des Centres Internationaux de Recherche Agricole ou d’organismes nationaux, et contribuer ainsi au développement de nouvelles variétés. Les agences de l’ONU ou certaines fondations privées pourraient pratiquer une politique d’achat de certains brevets importants, pour s’assurer que les technologies clés soient disponibles pour les petits exploitants agricoles. Un organisme mondial, de type « chambre de compensation », pourrait faciliter l’accès à l’information sur les droits de propriété intellectuelle, les brevets et les nouvelles technologies liées au domaine agricole. Un inventaire et un examen détaillé des pratiques dans le domaine des droits de propriété intellectuelle serait à réaliser auprès des Centre Internationaux de Recherche Agricole, Instituts Nationaux de Recherche Agronomiques, universités et autres intervenants. Cet inventaire permettrait d’harmoniser les pratiques et de favoriser la diffusion des technologies et des savoirs au bénéfice des agriculteurs des pays les plus pauvres.

La mise en œuvre de stratégies open source dans le domaine agricole pourrait bénéficier en retour aux utilisateurs de systèmes informatiques, en faisant évoluer les pratiques dans le domaine du logiciel. Comme les fermiers, les utilisateurs de logiciels n’ont pas tous les mêmes besoins, et sont souvent les seuls à avoir une idée précise de ce qu’il veulent.

Des fermiers et des utilisateurs de logiciels

Comme les fermiers, les utilisateurs ont leurs propres critères pour évaluer un logiciel. Leurs besoins sont variables. De même que certains fermiers cultivent de petites parcelles, avec leur propre famille pour seule main d’œuvre, certains utilisateurs de logiciels ont besoin d’un logiciel adapté, d’apprentissage facile, peu onéreux et fonctionnant sur un matériel modeste.

Le marché pour de tels logiciels peut sembler limité et sa rentabilité n’être qu’une promesse au terme aléatoire. C’est un cercle vicieux : l’utilisateur ne trouve pas sur le marché le logiciel dont il a besoin, et le fournisseur potentiel hésite à investir pour un marché qui lui semble trop étroit, et dont il n’a souvent qu’une vague idée. Un moyen de sortir de cette impasse est de mettre en œuvre un travail collaboratif entre un développeur et des utilisateurs, qui acceptent de tester le logiciel et de suggérer des améliorations, par itérations successives jusqu’à ce qu’une version finalisée du logiciel soit rendue disponible. Cette version peut être alors améliorée, puis portée sur différents environnements d’exploitation, lui permettant finalement d’accéder à un marché significatif. Dans ce domaine aussi une stratégie originale de droits de propriété intellectuelle peut être imaginée. Les versions intermédiaires, répondant aux besoins d’un grand nombre d’utilisateurs peuvent être mises à disposition gratuitement et son code source disponible librement. Une version payante plus élaborée peut être mise sur le marché à destination des entreprises et des institutions. La disponibilité du code source favorise l’évolution rapide du produit, à condition bien entendu que ces évolutions restent elles aussi publiques [5]. Pour faciliter le processus, il est important que les développeurs et les utilisateurs puissent se retrouver pour dialoguer (plateformes internet, conférences, ...).

Pour des applications plus complexes, il est possible de créer plusieurs sous groupes de projet. Par exemple un groupe qui développerait un traitement de texte en langue indienne, réaliserait une version initiale d’un noyau, le testerait avec plusieurs utilisateurs, jusqu’à ce qu’une version finalisée soit rendue disponible. A partir de ce noyau, plusieurs autres groupes pourraient alors développer des applications différentes, à condition que le noyau reste disponible publiquement. Le financement de la phase initiale peut être aidée par le gouvernement, qui utilisera lui-même préférentiellement les produits dérivés de ce noyau.

Les utilisateurs ont besoin d’applications simples et fonctionnelles. Ce genre d’application peut être réalisée en utilisant les méthodes de la sélection participative. Une version de Linux, avec icônes et aide en ligne en indien, serait utile à de nombreuses personnes. De même qu’une version en indien d’un traitement de texte comme Star Office. Il existe en tamil un logiciel appelé Murasu, qui est un traitement de texte avec la fonctionnalité e-mail. Murasu peut fonctionner avec un clavier anglais et assure la conversion avec les autres formats tamils. Murasu est disponible en téléchargement libre, et est de ce fait largement utilisé. De nombreux besoins en logiciels de langue indienne sont encore à satisfaire, comme par exemple un moteur de recherche capable d’afficher directement les résultats en tamil. Le développement de tels produits sera possible grâce au modèle de développement du logiciel libre.

Nous avons en Inde les ressources humaines nécessaires et chaque années les universités et autres institutions produisent des centaines de nouveaux diplômés en informatique et en électronique. Si chaque année quelques un d’entre eux seulement s’organisent et collaborent avec des utilisateurs pour développer de nouveaux logiciels adaptés aux besoins des indiens, nous pouvons nous attendre à des progrès importants dans les cinq prochaines années.

De même que des milliers de variétés de riz doivent leur existence au travail sans relâche et à l’intelligence des innombrables paysans qui, au long des siècles les ont sélectionnées, améliorées et conservées, les biolinuxes permettront le développement d’innovations au service de l’intérêt général, permettant le renforcement et l’enrichissement des biens communs. De tels modèles laissent un large espace à la créativité, permettent la plus large diffusion des savoirs au bénéfice de la civilisation, tirant le meilleur de la science moderne et des savoirs traditionnels locaux.

Pour conclure, notre vision de la société de l’information et de l’économie de la connaissance ne doit pas se limiter à la vision de Bill Gates. Ce qui est bon pour Microsoft n’est pas nécessairement bon pour nous. Nous devons réfléchir au moyens de mettre au point des pratiques innovantes qui soient au service des biens communs, et non à leur détriment. Par dessus tout, nous avons besoin d’une société où le savoir n’appartient pas seulement à ceux qui peuvent se le payer.

[1] Voir notamment sur Framasoft :

[2] "Tout ce qui est créé par l’homme est brevetable" - NdE

[3] Voir l’article à ce sujet sur le site Noolithic - NdT

[4] La force du Copyleft est que la licence est « contaminante », ce qui implique que tout produit dérivé doit être placé sous la même licence - NdT

[5] Ce mode de fonctionnement est appliqué par de nombreux éditeurs, par exemple Sun Microsystems : Une version libre et gratuite, et une payante - NdT

Pour en savoir plus :

Il n’existe pratiquement pas de documentation sur le sujet en français. J’essaierai de traduire d’autres textes ultérieurement, et de vous fournir plus d’informations sur ce qui sera peut être un grande tendance dans les prochaines années : l’application d’un modèle économique de type « open source » dans les biotechnologies. Reste à savoir si les « opens source biotechs » resteront confinées sur quelques niches ou si le modèle connaîtra une large diffusion. Il semble que le mouvement soit significativement amorcé aux Etats-Unis, en Australie et en Afrique du Sud, et qu’il aille bien au-delà de la sélection de variétés agricoles évoquée dans cet article, en couvrant notamment le développement d’outils et de méthodes en génomique. Ce mouvement sera peut être la clé qui permettra faire sauter le verrou de la « fracture biotechnologique » entre le nord et le sud, et de relancer la recherche en biotechnologies, médicales et agricoles, dans les pays en développement.

En attendant, si vous en avez le courage, je vous recommande vivement la lecture des textes suivants en anglais :

En français :

Sur les droits de propriété intellectuelle et les agriculteurs des pays en développement, voir notamment le site www.grain.org (Avec quelques pages en français).

Dans le domaine de la recherche en agronomie, le CIRAD, l’INRA, l’IFREMER, le CNRS et l’IRD proposent une démarche de mutualisation des droits de propriété intellectuelle dans le domaine des biotechnologies agricoles, montrant qu’on peut aussi utiliser les moyens de protection actuels dans une démarche favorisant la diffusion des savoirs et l’innovation coopérative. Une initiative américaine (PIPRA) réunissant les universités publiques et des fondations privées va dans le même sens.

Lire le compte rendu et le rapport : Vers une mutualisation européenne de la propriété intellectuelle publique en biotechnologies à vocation agronomique

NdT.

A lire aussi d’Emmanuel Delannoy :

NdE.

Commentaires

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> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 29 juin 2005 par Manu21 (0 rép.)

Bonjour, une contribution pour faire le lien avec les approches autour du patrimoine commun. Ci dessous, un article d’Henry Ollagnon :

Le développement durable : réponse à la crise environnementale

La notion de développement durable s’impose autour des années 1990. Au niveau mondial et local, au Nord et au Sud, il faut concilier les exigences de l’environnement et celles du développement économique et social. Dessein plus que procédure rigoureuse de décision publique ou privée, cette notion d’inspiration scandinave (rapport Bruntland), pétrie de culture et de pratiques de médiation et d’action en commun, qui fondent la gestion de proximité du Nord de l’Europe.

Pour les pays de droit écrit, comme la France, le développement durable est apparu comme une notion étrange. « Mot-valise », vide de contenu mais qui prend le sens que veulent bien lui donner les acteurs concernés, dans une situation donnée. « Cheval de Troie » dans les affaires nationales ou locales, publiques ou privées, qui permet à quiconque de les soumettre à la question de la « soutenabilité », dans un contexte de mondialisation accrue. Cette notion introduit une sorte de « dérégulation » des catégories et les habitudes de pensée et d’action qui fondaient, jusqu’alors, la vie économique et sociale des nations, des entreprises, des institutions et, donc, des territoires. Il a ainsi fallu, en France, quelque temps pour que les entreprises, les corps sociaux, les institutions prennent la mesure de ce que le développement durable pouvait receler de changement dans les façons de penser et d’agir des acteurs publics et privés.

Cette notion de développement durable évolue. C’est une réponse à la dégradation de l’environnement, par une société et une économie trop sûres d’elles-mêmes, celle de la deuxième partie du XX siècle. Aujourd’hui, c’est au cœur de l’économie et de la société que se pose la question du développement durable. L’accident de Tchernobyl et ses conséquences sur les territoires contaminés, la crise de la vache folle, la dégradation de l’agriculture, les inquiétudes sur l’alimentation, les avancées du génie génétique, les préoccupations de sécurité, la dégradation de l’ambiance des villes et des territoires font surgir une crise de l’intérieur, celle du vivant dans la société.

En France, les entreprises, les institutions, les corps sociaux ont cru possible un aménagement à la marge du mode de connaissance et d’action existant, à base de normes, de fiscalités et d’aides spécifiques, capable d’intégrer un minimum de protection de la nature. Aujourd’hui, chacun perçoit que la crise de la gestion du vivant sera une crise du mode de connaissance et d’action qui fonde l’économie et la société. Dans la conception grecque de la crise ( krisis : « le moment où change le cours des choses »), ce terme n’est ni négatif ni positif, il laisse au contraire la place à des démarches constructives de développement durable.

Les crises du vivant : une autre approche du développement durable

Il est important de comprendre que cette déstabilisation du vivant a plusieurs aspects dont le plus important est l’émergence de la complexité qui bouscule notre culture, notre façon de poser des problèmes. Nous avons construit depuis peut-être 5 000 ans avant le Christ, avec l’Etat, un mode de réduction légitime du complexe à la fois scientifique, économique et juridique qui est imposé par des catégories que nous reconnaissons tous et avec lesquelles nous travaillons.

Or, les catégories de l’économie, de la science, du droit sont déstabilisées par ces réalités du vivant qui les traversent. Elles constituent en quelque sorte un mode de réduction légitime du complexe, et la crise survient comme l’irruption de la complexité naturelle, artificielle et humaine. C’est notre mode de compréhension et de prise en charge du vivant qui est déstabilisé. Les problèmes du vivant génèrent en nous une perception intime des questions du vivant, par laquelle nous accédons, dans une certaine mesure, au complexe, et qui se heurte au mode de connaissance et d’action par lequel nous conduisons notre action dans les entreprises, les institutions et dans la société. Chacun se sent concerné en tant que personne dans son rapport à soi, au vivant et à la société. Mais comment avoir prise sur les processus en cause ? Chaque problème du vivant s’inscrit dans une ou des entités au sein desquelles les multiples acteurs concernés vont former une sorte de complexe multi-acteurs, à la source du problème et au coeur de la solution. Malheureusement, nous ne savons identifier facilement ni le problème, ni les entités, ni les complexes multi-acteurs en jeu !

Le saurions nous, encore faudrait-il qu’émerge dans chaque entité du vivant concernée, un dessein commun effectivement pris en charge par tous les acteurs concernés. Cette question relève à l’évidence du politique, au sens le plus noble. Mais comment faire émerger cette implication politique, sans réunir les conditions et les moyens de rencontre, de négociation permettant l’émergence d’un tel dessein commun. Faute de ces conditions et moyens, c’est le désinvestissement des réalités du vivant, des réalités complexes et multi-acteurs qui peut s’avérer durable.

La gestion du vivant : chemin du développement durable

La question du vivant est peut-être l’occasion de refonder le développement durable, en refondant progressivement le mode d’agir et de vivre ensemble.

Quatre objectifs clefs qui sont à notre portée pour refonder la gestion du vivant.

1. Considérer ensemble ce qu’est le vivant, dans toutes les dimensions importantes pour chacun des acteurs concernés, de façon à construire une representation acceptable par tous de la « qualité totale du vivant ». Faire en sorte que nous ayons des outils qui permettent de faire se rencontrer les intelligences singulières pour qu’ils viennent en synergie sur une conception riche qu’est le vivant. On ne peut pas s’en tenir à une vision réductrice d’un vivant biologico-écologique. Il faut que l’intelligence de tous ceux qui prendront en charge le problème puisse être prise en compte. Il faut une démarche proactive qui va vers les acteurs concernés si on veut qu’ils s’engagent.

2. Le maintien des qualités du vivant n’est possible que si elles sont activement prises en charge par l’ensemble des acteurs concernés, ce qui suppose, aujourd’hui, qu’elle deviennent leur patrimoine commun local d’intérêt général. Nous sommes dans un système patrimonial d’appropriation et de compétences publiques et privées, où chacun est dans sa boîte de responsabilité et tout ce qui n’est pas individuel est collectif, ou n’existe pas ! Or, depuis un certain nombre de siècles, l’histoire de la gestion du vivant française peut s’interpréter comme celle d’une combinaison gallo-romaine de deux modes de prise en charge. D’un côté, le monde local « gaulois » prend en charge, dans la proximité, les réalités « trans-appropriatives » du vivant, en patrimoine commun local, qui traversent les appropriations locales sans les déstabiliser. De l’autre, un monde urbain « romain », dans lequel elles sont prises en charge de façon appropriative, dans les catégories universalistes du droit de l’économie et de la science. Aujourd’hui, en France, cet équilibre est largement rompu, dans les territoires ruraux comme urbains (ambiance, sécurité,..). Nous n’avons plus qu’une prise en charge en « boîtes publiques et privées ». Pour les protéger et prendre en charge des réalités complexes de plus en plus nombreuses, une voie, à la fois inscrite historique et innovante est possible. C’est celle des stratégies de prise en charge en patrimoine commun local d’intérêt général. "Commun" signifie que chacun est co-acteur de la prise en charge, au niveau local et au niveau global. « Intérêt général » suppose que chacun s’accorde sur le dessein d’intérêt général à la prise en charge duquel il participera, par son action propre.

3. Pour prendre en charge le vivant dans cette communauté patrimoniale, il faut établir une gestion par objectif de qualité, soit une gestion en permanence centrée sur ce qui est en train d’advenir. Le vivant, ça bouge, ça vit, ça meurt, le vivant c’est nous, nous sommes la nature, il est illusoire de penser traiter de vivant avec des outils fixes. Seules des démarches en « pilotage en commun » permettront d’apporter des réponses innovantes à des problèmes non prévus. Un telle gestion par objectif de qualité doit être réaliste. La gestion du vivant est l’occasion de recréer du lien volontaire de très haute qualité, dans les entreprises, les institutions et les territoires.

4. Tous les acteurs, élus entrepreneurs, associatifs, concernés par ces réalités complexes et multi-acteurs sont face à un réel objectif : prendre des initiatives. La question de fond est de permettre une prise d’initiatives stratégiques, pour identifier les problèmes complexes et multi-acteurs qu’ils vivent et pour les résoudre. Pour cela, il me paraît nécessaire de mettre à leur disposition des procédures stratégiques standards contractualisables, mises en œuvre par des professions nouvelles. Cette logique contractuelle au service des personnes publiques ou privées pour explorer ces situations et construire des solutions adéquates me paraît être une voie d’adaptation de notre culture nationale et de son repositionnement mondial. Le mode de développement durable :un choix politique de société.

La gestion du vivant peut nous permettre de découvrir des voies nouvelles pour le développement durable, voies humanistes, qui, de l’intérieur de chacun d’entre nous, nous amènent à une implication jusqu’au niveau mondial. Je vois 5 points importants :

1. D’abord, identifier et résoudre les problèmes les plus importants que l’on vit aujourd’hui ou que l’on pourrait vivre demain. Aussi, il est nécessaire de se familiariser à des démarches paradoxales conduisant à sécuriser les appropriations publiques et privées, pour permettre l’émergence d’une prise en charge « trans-appropriative » en patrimoine commun, dans un dessein partagé, réaliste et légitime ! Les réalités du vivant peuvent ainsi devenir des « cas d’école » pour le développement durable.

2. Une responsabilité politique de facilitation doit être assumée et fondée de façon légitime et efficace. Aujourd’hui, l’homme politique est au premier rang de ceux qui peuvent permettre l’éclosion d’une telle prise d’initiative et donner aux acteurs de la société locale, nationale, internationale, une sorte de quitus de légitimité. Dans une société démocratique, il est jugé, par l’élection, sur la qualité de ce quitus. On a donc un système de bouclage de la responsabilité. D’ailleurs, avant de devenir par la force des choses, entrepreneur, économiste et maintenant juriste, l’homme politique, d’il y a 50 ans avait l’autorité d’un faciliteur local. De quoi appuyer la modernité sur la tradition républicaine !

3. Pour permettre un processus de développement durable au niveau local et planétaire, il faut de « l’énergie constructive ». Il est préférable de susciter l’implication patrimoniale des hommes, de les inciter à devenir « co-créateurs » de la biosphère, de susciter et d’organiser sa prise en charge patrimoniale au niveau local et mondial, plutôt que de lutter contre les défauts par la norme. C’est donc un enjeu majeur que de fonder le développement durable sur cette notion clé de patrimoine commun local d’intérêt général étendu au niveau planétaire. Le développement durable sera patrimonial ou ne sera pas.

4. Aujourd’hui, se construit l’organisation planétaire de l’humanité et, parallèlement, le positionnement non seulement des hommes mais aussi des idées, des valeurs. Une notion très importante est en train de prendre sens, celle de patrimoine commun de l’humanité. Les catégories universalistes sur lesquelles s’est constituée la société française sont une chance et un handicap. Le handicap est notre approche cloisonnée et parcellisée des problèmes. Notre chance, c’est l’idéal personnaliste des droits de l’Homme et l’art de vivre et de travailler ensemble. Nous pouvons actualiser nos catégories universalistes tout en répondant positivement aux problèmes complexes et multi-acteurs que pose, et posera de plus en plus, la gestion du vivant. La façon dont se construit l’humanité au niveau mondial est modestement la nôtre. Or, au niveau mondial, le mode de développement durable sera le fruit d’un processus de choix de société, d’essence socio-politique. Différentes voies de développement durable peuvent satisfaire un très grand nombre de personnes sur le plan de l’écologie, de l’économie et même de la vie sociale, sans répondre pour autant à leurs aspirations à être « co-créateur » du monde et de soi-même. Cette aspiration, nécessaire pour résoudre certains problèmes, est en soi un projet d’humanité.

5. Enfin pour conclure, cette conciliation active de nos valeurs universalistes de liberté, d’égalité, de fraternité avec la réalité des processus intégrateurs du vivant est une épreuve. Il y a une certaine irréversibilité des processus du vivant. Si les ours Pyrénéens disparaissent, ils ne seront définitement plus là. Si on a fait des mauvais choix en matière d’alimentation, d’énergie, de gestion du territoire, on les subira. Il y a donc d’un côté nos valeurs et de l’autre les réalités du vivant qu’il nous faut harmoniser. Je crois qu’il faut anticiper, et c’est la question que se pose la société. Et il ne faut pas être grand clerc, pour constater, dès à présent, que nous sommes au cœur d’une mutation patrimoniale.

Henry Ollagnon est un des promoteurs de l’enseignement de la gestion du vivant et des stratégies patrimoniales à l’Institut National Agronomique Paris-Grignon. Il est consultant auprès de l’Institution Patrimoniale du Haut Béarn.

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Vers des traitements de « source ouverte » contre les maladies tropicales ? , le 6 janvier 2005 (0 rép.)

En complément de cet article, je vous propose celui-ci, sur la revue en ligne "Vivant" : "Vers des traitements de "source ouvert" pour les maladies tropicales"

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> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 22 octobre 2004 par Emmanuel DELANNOY (1 rép.)

A lire, sur le même thème, un article dans "Alternatives Economiques", qui puise aux bonnes sources.

-----> Les brevets bloquent la recherche

> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 25 octobre 2004 par fun sun

Salut,

J’aborde ce problème à partir de mon point de vue, non scientifique :

Un article très intéressant qui montre cependant deux écueils propres à l’etre humain :

 1) Pourquoi a-t-il laissé faire ainsi aussi longtemps ?
 2) Quand il sent que cela va trop loin, il trouve toujours un autre moyen.

Ces questions-là ne sont pas posées et il faut se les poser. Jusqu’à présent, ou jusqu’à un certain niveau d’abus, la question des brevets était tolérée et personne n’y voyait une mauvaise chose. Aujourd’hui, il y a abus et cette question devient quasi intolérable. Ou, faut-il en conclure, que la notion de licence libre apportée par Stallman a été un moyen d’ouvrir les yeux à beaucoup ?

Dire libre pour faire comprendre que l’on est prisonnier en somme et que l’humain souhaite se libérer des brevets qui l’emprisonnent ?

Selon moi cette question se rattache au comportement de l’humain, à ce qu’il veut et désire. Jusqu’à ce qu’on lui montre qu’un chose est potentiellement mauvaise il la considère comme bonne. Donc pourquoi cette question n’a pas été soulevée plutot ? Certains me diront qu’il y a eu, par exemple, un proudhon pour critiquer et fustiger la notion de propriété.

C’est vrai mais cela ne résoud pas la question. Après tout, Héron d’alexandrie, avait bien inventé le principe de la machine à vapeur mais ce n’est que bien des siècles après qu’elle fut effectivement utilisée.

Il serait possible de renverser la question une autre fois encore : A quel type de société correspond la notion de brevet, de propriété, etc ? Parce que l’un et l’autre sont fondamentalement liés. Et pour comprendre la démarche du libre, il faut bien avoir conscience du type de société dans lequel nous sommes immergés.

Et c’est pour cela qu’on a inventé l’abstraction, histoire de se donner un point de vue qui ne soit pas dedans mais émergent, dehors, histoire de faire le contrepoids avec ce qui nous immerge au point de ne plus le voir.

Ainsi il y aurait une fonction propre à l’humain qui fabriquerait sans cesse des contrepoids qui nous permettraient de nous sortir de notre immersion et de mieux saisir l’objet, le propos d’une chose.

Mais tout cela ne fait que garantir le fonctionnement d’un type de société et de rapports humains et ne change rien fondamentalement. Sinon il n’est pas compréhensible que nous laissons faire les brevets aussi facilement, du moins jusqu’à aujourd’hui.

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> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 21 octobre 2004 par Jeff (0 rép.)

si j’etais américain je ferai sans doute un brevet sur "La mort par balles ou armes feu" comme ça quiqu’on utiliserai un pistolet pour tué dans un film serait obligé de me reversé une somme astronomique de ses gains. ^^

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> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 20 octobre 2004 par fun sun (2 rép.)

Bonjour,

Une petite critique. Je ne suis pas certain qu’une licence de type libre soit la réponse à tous les problèmes liés au fonctionnement de notre société. Premier point.

Deuxième point. Contrer une brevetabilité à outrance par un type de brevetabilité libre me semble plutôt étrange et ne résoud en rien le problème.

Voici le schéma de mon argumentation : jusqu’à présent il y avait le domaine public donc tout appartient à tout le monde. Et le contrat qui se passait entre le public et le détenteur d’une innovation ou d’une création intellectuelle était une rétrocession du public vers le créateur pour un temps donné et limité. (C’est l’exploitation comerciale qui a fait basculer cette règle de base vers l’exploitation à outrance qu’on connaît aujourd’hui).

Or aujourd’hui, ce n’est plus le public qui décide mais bien la personne, l’auteur, l’innovateur qui décide de mettre à disposition du public ou non selon certaines restrictions le produit de sa création ou innovation.

Je trouve cela étrange et je ne suis pas convaincu du bienfondé d’un tel processus.

Que cela soit nécessaire pour échanger des briques logicielles afin de ne pas réinventer la roue pour chaque programmeur je le conçois (voire l’article de Pierre Mounier à ce sujet sur ce site) mais de là à l’appliquer à toute sorte d’invention en espérant que cela résoudra certains problèmes de société me laisse dubitatif.

Ce problème de type de licence où l’auteur choisit non plus le public est propre à notre modèle de société où la notion de public, de peuple tend à disparaître pour être remplacée par celle de multitude où, effectivement, ce genre de licence correspond à l’idée du moment.

Assistons-nous donc à l’effacement lent mais certain de certaines notions, fondement et ciment de notre société ?

La question est à débattre.

> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 21 octobre 2004 par Emmanuel DELANNOY

Bonjour,

Merci de cette contribution au débat. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris toutes vos objections, mais je vais tenter d’apporter quelques éléments de réponse :

- Sur la notion de "brevetabilité libre" à outrance : Le progrès de la connaissance et des technologies dans le domaine du vivant se fait de manière buissonnante, par recombinaison et enrichissement successif à partir de "briques de base", un peu comme dans le monde du logiciel. La surenchère de demande de brevet à laquelle on assiste ces dernières années, notamment pour des procédés ou des composants technologiques de bas niveau, peut dans certains cas ralentir l’innovation ou en renchérir considérablement le coût (alors que le brevet a été conçu au contraire comme étant un outil devant favoriser l’innovation). La fin annoncé de "l’exemption de recherche", qui faisait que la recherche pouvait avoir accès à toute innovation technologique sans avoir à payer les licences, pourrait même freiner voir bloquer la recherche, y compris dans des domaine ou les besoins sont immenses (les vaccins recombinants, par exemple). A ce titre, le "Copyleft", peut apporter une réponse pertinente, dans le sens ou un procédé de base est mis volontairement à la disposition de tous, en imposant que tout produit dérivé le soit également. Des compromis moins radicaux sont possibles, en s’inspirant par exemple de la licence de BSD. Il s’agit de servir l’intérêt général et de ne pas ériger de barrières supplémentaires. Le "ticket" d’entrée dans les biotechnologies est suffisamment élevé comme cela. Le renchirir conduirait à en exclure définitivement les pays les moins riches, et globalement toute l’Afrique.

- Sur le principe du "brevet à l’envers" : Effectivement, en principe un brevet tombe dans le domaine public à l’issue d’un délai variable selon les pays et les domaines considérés. (Mais ce principe est souvent détourné par les détenteurs qui apportent des "améliorations" souvent mineures voire fictives pour prolonger la protection). Ce qui n’est pas à ma connaissance le cas des "licences libres" (me trompe-je ?). Peut être pourrait-on imaginer de faire "tomber" dans le domaine public les produits couverts par une licence libre. Mais serait-ce un progrès ?

- Sur les "fondements et ciments" de notre société. Je ne vois pas bien à quelles notions vous faites référence. Public, peuple sonnent étrangement à mes oreilles. J’y vois un peu des relents de repli identitaire, malheureusement à l’origine de bien des maux de notre monde actuel. Je préfère la notion de parties intéréssées, contenues dans les principes de RIO et dans l’Agenda 21, qui réflète mieux la diversité des aspirations et des intérêts en cause. La reconnaissance de cette diversité, et des contractions voire des dilemmes sous-jacents, est seule à même de permettre une concertation constructive au service de l’intérêt général. Oui, il y a des contradictions. L’intérêt du paysan burkinabé, ou du malade du Sida au Zimbabwe n’est pas celui du retraité californien qui a placé sa retraite en actions Monsato ou Aventis. Mais la solution au problème n’est peut être pas de les opposer. Les stratégies de propriété intellectuelles doivent être un élément parmi d’autres de la mise en oeuvre d’un développement durable. La reconnaissance de la complexité du problème doit passer par des approches multiples, et combinatoires. Le tout "libre" n’est pas la panacée, le tout "brevet" non plus.

Bien à vous,

Emmanuel DELANNOY

-----> Noolithic

> La cause des biolinuxes, et autres innovations d’intérêt général , le 21 octobre 2004 par fun sun

Salut Etienne,

Je ne critique pas l’utilisation et les conséquences des brevets actuels ni le fait que les licences libres peuvent corriger certains problèmes dûs aux brevets classiques notamment dans la recherche comme vous l’expliquez.

La question que je soulève est celle-ci, m’inspirant d’un livre de Paolo Virno "Grammaire de la multitude" (je l’avoue, je l’ai lu il y a quelques temps donc je vais en profiter pour le relire. Le temps passé a tordu le souvenir de son argumentation, oups...).

Ce dernier apportait une distinction intéressante entre ces deux notions peuple et multitude où la notion de multitude à l’époque des grands débats du dixhuitième je crois avait perdue face à la notion de peuple.

Or aujourd’hui, selon ses arguments, c’est cette notion de multitude qui revient au premier plan faisant perdre de la valeur à la notion de peuple.

La question que je me pose est donc celle-ci.

Dans la mesure où la notion de peuple n’existe plus ou sonne de moins en moins comme quelque chose de logique (vous-même vous y voyez un sorte de repli identitaire, ce qui est assez significatif). La notion de peuple faisant appel à une certaine unité sociale, politique, etc.

C’est la notion de multitude qui, aujourd’hui, vient, en quelque sorte remplacer l’ancienne notion de peuple. La multitude, c’est reconnaître l’existence d’un groupe sans la notion d’unité sociale et politique.

En conséquence, est-ce que ces nouvelles licences de type libre ne seraient pas le pendant de la notion de multitude ? Tout comme la notion, selon moi, de domaine public était le pendant de la notion de peuple.

C’est pour cela que je l’inverse en quelque sorte pour la ramener à la notion de peuple où c’est le groupe en tant qu’unité sociale et politique qui définissait le bien commun et le bien individuel mais en fonction du bien commun.

Tandis qu’aujourd’hui puisqu’il n’existe plus de notion, à proprement parler, de peuple. Il y a un renversement aussi dans la mesure où ce n’est plus le peuple qui garantit le bien commun mais l’individu qui choisit de mettre son travail sous licence libre vers le public ou la communauté.

Voilà pourquoi je me pose cette autre question sur les licences de type libre, c’est mon argumentation et je peux me tromper,.

On le voit gpl, art-libre, creative commons et, peut-être bio-linux. Si ces licences ont un goût si particulier qui semble si bien coller à l’esprit du temps n’est-ce pas parce qu’elles sont à l’image de ce qui fonde notre identité non plus celle de peuple mais d’un groupe ou de groupes multiples sans unité spécifique ?

Dès lors ne serions-nous pas tenter d’y voir la solution à de nombreux problèmes ?

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> La cause des biolinuxes
Et autres innovations d’intérêt général
, le 17 octobre 2004 par bionet (0 rép.)

Superbe article. Je te remercie pour cette synthèse et la mise en ligne de cette traduction.

Je relaie immédiatement l’info sur Biotechno pour les Profs

Cordialement

-----> Biotechno pour les Profs

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